UN RÉCIT DE LA CORSE DE JAMES BOSWELL

Une vision jacobite du chant populaire corse.
Dans le cadre du tricentenaire de la naissance de Pascal Paoli et sous l’égide de l’université de Corse

Conférence de Philippe Salort

Doctorant en Littérature Comparée, Chercheur Inventaire à la Direction du Patrimoine.

Issu d’une famille hanovrienne et loyaliste, James Boswell forge, au fil de son Grand Tour, une conception singulière du chant populaire, nourrie par sa pratique musicale, ses lectures et son écoute attentive des voix. En rupture avec les hiérarchies traditionnelles entre parole et musique, il perçoit la voix chantée comme le médium premier de l’émotion collective et de la mémoire des peuples. La rencontre avec Jean-Jacques Rousseau et l’influence des Anciens conforte chez lui l’idée que le langage naît du chant et que la voix conserve une puissance expressive irremplaçable.
Dans le contexte post-jacobite écossais, la chanson constitue un refuge de la parole politique et affective. Boswell en hérite une sensibilité particulière qu’il transpose, avec une acuité remarquable, aux chants populaires corses lors de son séjour en 1765. À ses yeux, ces chants incarnent l’âme du peuple corse : ils deviennent espace de sincérité, de fidélité, et mémoire vivante des aspirations collectives portées par Pascal Paoli. Par ce regard, Boswell anticipe une lecture romantique et patrimoniale du chant corse, qui influencera durablement sa réception jusqu’à nos jours.

Ce modèle d’interprétation s’inscrit dans une trame transnationale où les traditions chantées, écossaises, irlandaises, corses, apparaissent comme les voix authentiques des communautés. La construction d’un jacobitisme littéraire universel trouve ainsi dans l’œuvre de Boswell l’un de ses moments fondateurs, érigeant le chant populaire en archive affective des peuples.